L’expérience humaine est vulnérable. L’erreur y est inévitable. Elle se faufile partout. Si elle est généralement affectée d’une valeur négative - elle est à éviter, à corriger, à réparer -, elle présente aussi un potentiel positif. On apprend de ses erreurs, car les révisions auxquelles conduisent leur découverte et leur examen sont des moments essentiels dans la production du savoir, dans le raisonnement pratique ou dans la détermination des conduites appropriées aux situations. L’étude de l’erreur se développe en grande partie aujourd’hui à partir de travaux de psychologie cognitive, qui traquent les erreurs de raisonnement, les biais cognitifs et la formation de croyances fausses et expliquent causalement ces phénomènes par des mécanismes inconscients ou des inclinations naturelles de l’esprit humain. Le problème est que, pour ce faire, ils doivent présupposer des normes absolues (de vérité ou de rationalité, de raisonnement déductif ou de raisonnement statistique) par rapport auxquelles les erreurs représentent des écarts mesurables. C’est une tout autre approche que propose le présent ouvrage : analyser l’erreur sous l’angle de sa socialité, c’est-à-dire en l’envisageant dans les multiples contextes et dans les dynamiques plurielles où elle se produit, est prévenue, identifiée, relevée, appréciée, attribuée, rejetée, qualifiée, traitée. Des études de cas mettent la thèse de la valeur positive de l’erreur à l’épreuve : elles examinent l’usage de l’erreur aussi bien dans la science que dans l’enseignement de la logique ; dans l’établissement des preuves au tribunal que dans la résolution de problèmes pratiques de la vie courante ; dans la délibération que dans la perception ; dans le diagnostic médical que dans la décision politique.