Au cours des quinze dernières années, le monde a vécu deux crises majeures, la grande crise financière de 2008 et la crise entraînée par l’épidémie de la Covid-19. Dans le même temps, la prise de conscience de la gravité et de l’urgence du changement climatique comme des atteintes à la biodiversité, et plus généralement à l’environnement, confronte la planète à une "polycrise" sans précédent. Cette polycrise souligne, d’une part, les interdépendances engendrées par la mondialisation, mais aussi par l’épuisement des ressources naturelles et, d’autre part, l’interconnexion des risques. Le concept de biens publics mondiaux ou de communs universels est particulièrement adapté au diagnostic mais encore plus au traitement de cette polycrise. Il a, en effet, l’avantage de mettre en exergue l’inéluctabilité d’une solidarité et d’une coordination universelles pour la gestion et le financement des biens publics mondiaux.
Sous le co-pilotage de Bertrand Badré -Associé-fondateur de Blue Like an Orange Sustainable Capital et ancien Directeur général de la Banque mondiale- et Bruno Cabrillac -Directeur général adjoint de la Direction générale des Statistiques, des Etudes et de l’International de la Banque de France- le numéro 151 de la Revue d’Économie Financière rappelle la définition de ce concept très ancien mais dont les contours ont été façonnés par une littérature économique relativement récente. Il discute des deux principaux enjeux, étroitement liés, de la gestion des biens publics mondiaux : leur gouvernance et leur mode de financement. Si le climat, emblématique des biens publics mondiaux, fait l’objet d’une attention particulière dans ce numéro, les océans et la stabilité financière illustrent également cette problématique.
Réunissant 35 auteurs et riche de 23 articles -dont trois rubriques « Chronique d’histoire financière », « Finance et littérature » et « Divers »-, le thème central de ce numéro se décline en quatre chapitres :
- Biens publics mondiaux ou communs universels : un concept adapté aux défis actuels
- La problématique de la gouvernance des biens publics mondiaux au cœur de celle de leur financement
- Diversité des approches de financement des biens publics mondiaux
- Le climat, les océans, la stabilité financière : trois biens publics mondiaux « purs », trois approches de gouvernance et de financement
Les différentes contributions à ce numéro soulignent la nécessité, mais aussi les difficultés, d’une approche holistique qui implique toutes les parties prenantes, en l’absence d’une vraie gouvernance mondiale. Ce constat ne nous condamne pas à l’inaction. D’une part, la prise de conscience de la nécessité d’une solidarité universelle et, d’autre part, la multiplicité des initiatives pragmatiques ont permis des avancées en palliant certaines carences de la gouvernance mondiale. Mais, ces avancées restent trop lentes. Le financement des biens publics mondiaux est donc un sujet en devenir et ce numéro un modeste jalon dans une évolution clé pour l’avenir de la planète.