Aristote nous a laissé ces équivalences majeures, s'imposant
comme des évidences : que parler c'est dire ; que dire est dire
quelque chose ; et que dire quelque chose est signifier quelque
chose : destinant ainsi la parole à être le discours déterminant de
la science, reposant sur le principe de non-contradiction et apte
à répondre à la question grecque par excellence - désormais
mondialisée - du «qu'est-ce que c'est ?».
En se tournant vers les penseurs taoïstes de la Chine ancienne,
François Jullien rouvre une autre possibilité à la parole : «parole
sans parole», d'indication plus que de signification, ne s'enlisant
pas dans la définition (puisque non adossée à l'Être), disant «à
peine», ou «à côté» - qui ne dit plus quelque chose mais au gré.
Or, n'est-ce pas aussi là, quelque part (à préciser), la ressource
que, depuis Héraclite, en Europe, revendique avec toujours plus
de virulence la poésie ?
Aristote ne débat plus ici avec ses opposants familiers. S'invitent
enfin à ses cours, pour dialoguer avec lui, des interlocuteurs inattendus,
et même qu'il n'imaginait pas.